D'ou vient notre seuil de tolérance à la violence ?
Le film “Terrifier 3” a fait 12 millions d'entrées aux Étas-Unis. D'après le papier de Liberation du 9 octobre 2024, ce “slasheur” exhibe des “tueries” insensées, des étranges moments de “poésies lugubres” à grands renforts d'effets spéciaux.
Qu'est-ce qui fait que la mécanique de fascination/répulsion d'Art le clown fonctionne toujours et que ce film attire autant de spectateurs ?
Dans une société de plus en plus lisse qui nous demande, à grands renforts d'injonctions pour accéder au “bien être”, de refouler ce que Freud appelait notre pulsion de mort (agressivité, expression de la haine, etc.), le sujet contemporain a du mal à trouver des voies de décharges symboliques. Le cinéma peut en être une et possiblement éviter des passages à l'acte.
Que se passe-t-il dans la tête d'un spectateur face à ce genre de scènes violentes ?
Il projette cette pulsion de mort sur le ou les personnages et va même jusqu'à jouir de voir s'accomplir ces scènes. Ce genre de films opèrent certainement comme une catharsis, évidemment pour un sujet adulte. Ce film a été strictement interdit en France pour les moins de 18 ans. Le problème est qu'il existe aussi une accoutumance à la violence et une forme d'addiction au visionnage de scènes extrêmement barbares et inhumaines. Moins la pulsion de mort est symbolisée chez l'individu, plus elle est refoulée, plus elle a besoin d'intensité dans sa projection sur l'autre. Nous sommes tous différents face à ces scènes de violences et notre seuil de tolérance dépend des voies de canalisation de la pulsion de mort trouvée par chaque individu.
Francis Bacon décrit dans ses toiles un univers morcelé, extatique, parfois très inconfortable mais c'est certainement ce qui lui permet de s'adapter au monde réel. Frida Khalo exprime elle aussi sa souffrance et son mal de vivre dans des toiles qui, à priori, ne ressemble pas au personnage qu'elle incarne dans la vie.
La pulsion de mort ne doit pas juste être projetée mais assumée, acceptée et symbolisée afin d'être socialement acceptée et de permettre au sujet de s'adapter le plus finement possible au réel.
Natalie Bourgeois